Et voilà je suis half ironwoman ou ironwoman 70.3... je sais pas comment qu'on dit!
29 août 2016Il y a 1 an exactement Yann décidait de s'inscrire au Gantelet, le format L du triathlon de chantilly qu'il avait fait l'année dernière en version olympique. En 2015 c'était aussi pour moi l'occasion de relever mon premier gros challenge puisque j'avais participé à la version Sprint (petite distance quoi!) C'était pour moi un très très gros défi à relever de faire ce premier triathlon vu que je ne savais pas nager et que je n'avais jamais fait/eu de vélo de route. Quoi qu'il en soit, lorsqu'il s'est inscrit à cet half ironman je l'ai trouvé un peu barge. 3 mois plus tard, par pur égo, cruelle inconscience et sombre folie, je faisais de même :D
Mais au fait pourquoi s'appelle-t-il le Gantelet? Les organisateurs ont choisi ce nom en référence au gant d'armure que portaient les chevaliers du Moyen-Age. Symbole donc de force et de protection. Mais également parce que l'expression "jeter le gantelet" signifie provoquer quelqu'un en duel à mort. En bref les gars va falloir être forts si vous voulez en sortir vivants! ça rassure hein? ;)
Depuis 9 mois donc je m'entraine, je m'entraine, comme je peux, à la wannagain comme toujours c'est à dire sans suivre de plan. Je n'aime pas les plans d'entrainement. Je les trouve trop rébarbatifs et contraignants. On t'impose de faire telle ou telle séance tel jour... ce n'est vraiment pas pour moi. Attention, je ne nie pas qu'ils aient un quelconque intérêt mais pour une nana qui travaille à 100%, qui doit gérer deux petits monstres en rentrant du taf et qui n'a aucune prétention chronométrique je n'en vois pas l'intérêt à part de me dégouter du sport... et ce n'est pas le but, déjà que ça fait pas très longtemps que j'y ai pris goût...
Alors voilà, 9 mois à me forcer à aller à la piscine une à deux fois par semaine alors que j'ai horreur de l'eau. A sortir tous les week-end affronter les côtes de la vallée de chevreuse sur mon nouveau petit vélo (oui j'ai quand même du investir dans un vélo de route, cela aurait été un peu suicidaire de le faire en VTT comme pour mon premier tri!) mais je ne me suis pas ruinée non plus. Mon porte monnaie n'avait pas la possibilité de me payer une version tout carbone, profilé aéro avec jantes pleines à 8000 euros. Je me contente donc d'un petit Scott en alu très mignon à 700 qui a bien fait le job! Je disais donc 9 mois pour me familiariser avec ce vélo sur route, investir et pratiquer la pédale auto (tout un art au début), pédaler pendant des heures sur mon Home-trainer, dans la chaleur de mon appartement lorsqu'il faisait trop moche pour sortir ou que je devais garder les mômes pendant que papa s'entrainait. (Bah oui je sais qu'il est balèze mais il s'entraine un minimum quand même le Yann ;)) et enfin préparer en parallèle mon premier gros objectif de l'année 2016: mon premier marathon! Bref autant vous imaginez que je n'ai pas chômé. Mes semaines étaient bien remplies et j'avais même du mal à conserver un jour de repos tous les 6 jours...
Les mois, les semaines ont passées et le mois d'août est arrivé. Nous avions prévu de prendre nos vacances d'été les 3 dernières semaines du mois afin de pouvoir bien nous entrainer les deux premières semaines en Bretagne et de passer la dernière à nous reposer en Auvergne. Ces 3 semaines sont passées à une vitesse hallucinante. Et plus les jours passaient plus je me disais que je ne m'étais définitivement pas assez entraînée. Mes deux plus gros "enchainements" avait été 70km de vélo suivi de 8km de CAP (très péniblement par de fortes chaleurs), un 90km de vélo suivi d'un petit 5km laborieux où j'ai eu un mal de dos horrible dès le 70ème et un 50km de vélo suivi d'un 14 de CAP à un rythme vraiment bof. Bref je commençais à flipper grave et à me convaincre que je n'y arriverai jamais. A ce moment là, je me serais même claquée de m'être inscrite à ce truc de ouf! Le seul point que "j'estimais positif" c'était que j'allais nager tous les jours dans la mer à 16 degrés avec ma nouvelle combi ORCA (qui n'a vraiment rien à voir avec la Kalenji que j'avais jusque là...). Plus je nageais, plus je terrassais ma peur de l'eau. Alors oui, mon coeur s'accélérait à chaque grosse algue noire qui croisait mon regard sous l'eau, oui j'ai eu le hockey à la vue d'un "gros" poisson, oui je buvais la tasse dans les vagues mais je tenais bon et je nageais le crawl et plus la brasse! Petite précision tout de même: nager en mer c'est dur parce qu'il y a le courant, les vagues... mais qu'est-ce qu'on flotte bien grâce au sel!! Rien à voir avec un lac ou la piscine. Alors oui je nageais le crawl mais je pouvais m'arrêter quand je voulais, j'avais pied et je flottais! Lorsque je suis allée à ma dernière séance de piscine et que j'ai tenté de faire de même j'ai pris un gros coup de massue... j'ai tenu péniblement 1,8km en m'arrêtant souvent sur le bord pour reprendre mon souffle et en alternant quelques longueurs de brasse... bref c'était vraiment pas gagné côté natation. Enfin de toute façon il était trop tard pour faire machine arrière. Je devais y aller et faire de mon mieux.
La veille, nous dormions à l'hôtel pour ne pas se taper 2h de route le matin même et devoir se lever à 4h du mat. Les douleurs psy ont fait leur apparition. Un tiraillement à l'ischio gauche et une douleur dans le genou du même côté. La nuit si j'ai dormi 3h c'est un grand max... je suis arrivée donc à 7h du mat au château de Chantilly fraiche comme un gardon vous vous en doutez.
Le temps de marcher du parking jusqu'à l'entrée, de faire contrôler nos sacs, de récupérer nos dossards, nous sommes arrivés les derniers dans le parc à vélo à tel point qu'il n'y avait plus d'emplacement disponible dans les racks. Les placements étant libres, tout le monde avait choisi le sien, sauf nous qui avons du demander à d'autres compétiteurs de bien vouloir décaler leur vélo pour nous faire une petite place. Installation des affaires, enfilage de la combi, passage obligé aux toilettes... le temps file et nous loupons les 3 quarts du briefing dont celui qui concernait la natation! Mal barrés les mecs. Le départ est annoncé dans 3 mn. Hein quoi? Mais on n'a même pas eu le temps de s'échauffer. On retrouve nos supporters/reporters du jour Jen et Romain qui ont eu le courage de se lever aux aurores et de se taper de la route pour nous encourager pendant plus de 8h malgré le soleil qui tapait et l'attente interminable pour eux. On peut dire que ce sont vraiment des amis hors du commun! Les voir me remet un peu de baume au coeur car je stresse un max évidement. J'enfile mes lunettes en croisant les doigts pour qu'elles ne prennent pas l'eau et mon bonnet rouge! Ouais pour une fois je n'ai pas une couleur de fifille :D
8h05 environ, on se met à l'eau. Je dis à Jen de surveiller la montre car ma plus grosse angoisse est de ne pas être dans les barrières horaires. On descend dans le lac aussi noirâtre et vaseux que l'année passée. Un bisou à Yann et c'est parti pour 8h d'effort selon mes pronostics. Nous sommes partis bons derniers et Yann a vite fait de remonter du monde. Quant à moi... bah je vais rester dernière tout du long. Sacré cou au moral. Je savais bien que je serais dans les derniers mais je ne pensais pas me retrouver aussi vite seule à 10 bons mètres des autres. Au triathlon olympique de Paris, j'étais dans les derniers aussi mais nous étions plusieurs. Là sur les 372 barges à prendre le départ, 371 étaient des tueurs de la natation. L'angoisse monte et je n'arrive plus à respirer. Nouvelle crise de panique. J'entends Jen qui m'encourage. Je les voit avec Romain sur le bord me suivre en marchant. Je reprends le crawl après quelques mouvements de brasse pour me rassurer. L'eau est vraiment épaisse, je ne vois strictement rien mais je me force à bien plonger la tête sous l'eau. Je me concentre sur mes mouvements de bras, réduis les battements de jambes pour ne plus m'essouffler et le rythme cardiaque baisse enfin. La combinaison flotte bien mais il y a du courant et j'ai l'impression de faire du sur place. En fait, ce n'est pas qu'une impression, l'écart avec les autres concurrents se creuse de minutes en minutes. Une gentille bénévole en canoë va rester près de moi tout du long. Elle m'encourage, m'indique le bon chemin, me prévient quand je zig zag et perd du temps. Elle me rassure.
A la bouée jaune, je dois faire demi tour mais je ne suis toujours pas à la moitié du parcours. J'entends un autre canoéiste dire à celle qui me suit "Et ben à cette allure là, t'as le temps de bronzer." ça me met un coup de stress. Le temps. Je ne vois pas ma montre restée sous la manche de combi. Je nage depuis combien de temps? Je n'ai vraiment pas envie d'avoir fait tout ça pour qu'on me disqualifie à la sortie de l'eau. La dame en canoë me dit qu'il faut que je continue comme ça, que j'ai un bon rythme et que je suis presque à la mi-parcours. Deuxième bouée jaune. Je vois à nouveau Jen qui me dit qu'il me reste encore 25mn. Je ne sais pas si c'est assez mais ça me paraît jouable. Je tente d'accélérer mais je n'avance pas. Qu'est-ce que je fais de mal? Je n'en sais rien. Je suis mauvaise en natation c'est tout. Mais je ne lâche rien et ferai mes 2000m tout en crawl. En 1H02. A l'arrivée deux monsieurs me félicitent et m'extirpe littéralement de l'eau. Sur le bord, les spectateurs n'ont de cesse de taper dans leurs mains. L'ambiance est vraiment bonne. On a beau sortir à la ramasse la dernière de chez dernière, on ne te dénigre pas, on te motive.
Je trottine, monte les escaliers en béton et arrive dans le parc à vélo. L'avantage c'est que je ne peux pas louper le mien :) Je retire la puce à ma cheville pour pouvoir enlever ma combi qui me colle à mort. J'enfile mon t-shirt jaune fluo avec un loup dessiné dessus - Wolf power, les Runinspired sont avec moi ;) mes chaussettes et mes boosters, mes chaussures de vélo, mon porte-dossard, mon casque... oui ça en fait des choses... et je cours vers la sortie. Normalement c'est là que j'avais prévue une "pause pipi" mais je n'y pense même plus. Je suis en mode automatique. Mon cerveau s'est déconnecté pendant la natation. Je passe devant Jen et Romain qui m'encouragent à nouveau et je clippe mes chaussures dans les cales. C'est parti pour 90km... enfin 92 au final.
Putain de vent. 40km/h dans la face... pendant 3h40. Sans ce vent de malade, le parcours aurait été assez roulant. Des faux plats et quelques petites montée mais carrément rien à voir avec le dénivelé auquel j'ai du faire face en Bretagne ou pendant mon entrainement en Vallée de Chevreuse. Sur les premiers km je suis à 28km/h. Je n'en reviens pas moi-même puisque d'ordinaire je tourne les jambes plutôt autour des 24. Ma montre m'indiquera plus tard que j'ai même fait mon 51ème km en 37,8km/h. Je redoutais de déraper sur les graviers qu'il devait y avoir au départ. Finalement le chemin de terre avait été bien nettoyé. Aucun problème. Dès les 3 premiers kilomètres, j'arrive à rattraper 2 concurrents du Gantelet. Franchement ça me fait plaisir. Je suis nulle en natation mais je sais un minimum pédaler. Le circuit n'est pas fermé à la circulation mais au final, il est encore tôt et il n'y a pas beaucoup de trafic ni du côté des voitures, ni du côté des vélos. Les bénévoles et les gendarmes font bien leur job, rien à redire niveau sécurité. La descente à pic se terminant par un tournant que j'avais prise un peu vite l'année dernière n'a finalement pas fait partie du parcours cette année. Le premier tour passe assez vite. Quelques lignes droites dans les champs seront vraiment difficiles à cause du vent de face.
Lors du second tour, les participants à la version olympiques arrivent et le trafic se densifie. Il devient plus compliqué de respecter la règle du non drafting. Il faut taper des sprints lorsque l'on veut doubler. Je commence à en avoir un peu plein les pattes mais beaucoup d'athlètes m'encouragent en me dépassant. Une anglaise professionnelle m'a même dit qu'elle était épatée par les femmes participant à cette distance. Vraiment très sympa. J'essaye de manger un minimum mais le sandwich prévu ne passe pas. Il me laisse un goût dégoutant dans la bouche... ou bien c'est l'eau du lac avec laquelle je me suis lavée les dents quelques heures auparavant ;) bref j'ai faim. Au ravitaillement j'attrape un bidon d'eau et j'espère y voir des bananes mais il n'y a que des gels et des barres. Je me contenterai donc de ma pâte de fruit trop sucrée.
Ma montre vibre. Les 90km sont atteints... mais il m'en reste encore 2 pour revenir au parc du château. Je descends et décide de marcher pour me dégourdir les pattes. Les cuisses ont pas mal souffert pour maintenir les 26km/h de moyenne malgré les rafales. Je risque de le payer en course à pied. Mes petits supporters sont toujours au taquet et ça me rebooste de les voir.
Plus de 5mn perdues à la seconde transition mais j'en avais besoin pour être certaine de ne rien oublier. Il fait 30 degrés et je sais que ça va être la grosse difficulté de cette dernière étape.
J'ai fait exprès de désactiver la fonction allure sur ma montre car je voulais faire tout aux sensations pour ne pas me griller. Et ça fonctionne plutôt bien car le premier tour de 10km je ne marche pas. J'ai un bon rythme et dépasse fièrement pas mal de participants du M qui eux peine déjà. Le parcours est vraiment dur. Pas de grosses côtes mais un chemin sableux, herbeux, caillouteux, gravilloneux... bref ça tire dans les cuisses. A part deux gros passages en plein soleil, le reste est plutôt ombragé et des points d'eau tous les 2km me permettent de me tremper entièrement. Du coup, je n'ai absolument pas souffert de la chaleur. Au 10ème km, Jen me demande comment je vais. Mon psoa droit me tiraille un peu et une ampoule pointe le bout de son nez mais sinon tout va bien. Manque de chance, quelques km plus tard, je glisse dans une descente et me tord la cheville gauche. Elle me fera de plus en plus souffrir pendant les 9km restant. Je suis à 2km de l'arrivée à un point de ravitaillement où les bénévoles nous encouragent en nous disant qu'il reste à peine 2km pour passer la ligne... enfin pas pour moi, seulement pour les dossards rouges. Les argentés auront droit à une deuxième punition :)
Pour entamer le second tour, on doit passer à 25m de la finish line et c'est dur pour le moral mais Jen court un peu à côté de moi et une gentille bénévole m'arrose les épaules. J'ai encore faim. J'avale difficilement ma compote à la banane toujours trop sucrée et ça m'écoeure. Au loin, je vois les monstrueux escaliers que j'ai grimpé à la sortie natation. Ils vont pas nous faire ça quand même? Ah non ouf. Enfin à la place on grimpe une côte avec autant de dénivelé. Et c'est reparti pour un tour. Désormais j'alterne marche et course. Cette putain de cheville me fait morfler. Sans elle, je pense que j'aurais pu tout faire en courant. Puis c'est au tour de mes copines les crampes aux quadri de pointer de se manifester. Je me souviens du conseil de Nathalie au marathon et je les arrose copieusement à l'eau froide. Cela me fait du bien et je peux repartir. Vers le 18ème km, je croise de jolies fontaines et des gens en costume d'époque victorienne, ça m'amuse et me change les idées. Un peu plus loin, des passants achètent des glaces. Je meurs d'envie d'une glace... je me contenterai d'un demi verre de coca... qui me remue l'estomac. Vivement que j'arrive. Je double une fille qui fait aussi le Gantelet et qui a mis la musique à fond de son teléphone qu'elle a dans sa poche. Je ne sais pas si c'est très légal mais j'aime bien entendre un peu de sa musique. Sur le parcours il n'y a aucun orchestre et passer plus de 7h à faire du sport sans aucune musique c'est long!
Je regarde ma montre. Il me reste 2km. J'ai trop mal. Mais je n'abandonnerai certainement pas. Je sais que Yann doit être arrivé et qu'il m'attend. Je trottine avec peine en arrivant dans l'enceinte du château. Je pleure. J'ai mal. Au loin j'entends Jen qui m'encourage et me rejoins pour courir à côté de moi. Je vois Yann qui me rejoins également et me dit que ça y est je suis arrivée. Mais je ne vois pas l'arche. Je n'en vois pas le bout. Jen me dit de ne pas pleurer. Je dois passer la ligne les bras au ciel. Yann m'accompagne. Je franchis cette finish line en 7h36 dans la douleur et l'euphorie. Je finis 349ème sur 354 arrivants. Les autres ont abandonnés. Je ne suis donc pas la dernière pourtant j'étais la dernière à sortir de l'eau. Trop d'émotions. Je suis une irongirl 70.3... moi l'ancienne obèse qui a peur de l'eau.
J'avais promis à Jen que si je passais cette finish line je lui ferais la roue. Chose promise, chose due. Même avec une cheville en vrac, on tient sa parole surtout envers quelqu'un sans qui la course aurait été juste insupportable. Je l'ai déjà dit en écrivant mon compte-rendu du marathon et je le répète aujourd'hui. Le sport que je pratique a beau être un sport individuel, il se réussit en équipe. Car avant même le physique, c'est le mental qui te fait aller au bout et sans soutien, sans encouragements, sans motivation, le mental se fait la malle. Merci encore à Jen et à Romain, vous avez été géniaux! Grâce à eux, je suis allée au bout de cet incroyable épreuve et grâce à eux, j'en garderai de beaux souvenirs. Juste Merci.